L'Orient, qu'il soit indien ou chinois, se représente la vie humaine en trois âges successifs, de durées approximativement égales (aujourd'hui de l'ordre de vingt-cinq à trente ans chacune).
Le premier âge est celui du corps (de la terre), de la croissance biologique, des apprentissages, du forgeage du cœur, de l'esprit et de l'âme.
Le deuxième âge est celui du mental (des hommes), de la vie mondaine et professionnelle, de la procréation et de la famille, de la construction et de la maturité.
Le troisième âge, celui du spirituel (du ciel), de la vie intérieure et mystique, de la méditation et de la transmission, de la solitude érémitique et du retour au tao originel.
Pour résumer, une vie humaine réussie est une triple construction, l'effet des forces Yang sur les inerties Yin. Chaque âge a son Yang. Yang corporel, Yang mental, Yang spirituel.
Face à eux, le Yin prend des formes différentes.
Ainsi, par exemple, si le troisième âge est celui de la construction spirituelle, celui de la croissance du Yang du ciel, alors, face à cette croissance, deux décroissances Yin se manifesteront :
- celle du Yin corporel de la terre qui vieillit naturellement le corps,
- celle du Yin social des homme qui pousse à plus de solitude et d'érémitisme, qui tend à faire prendre du recul par rapport au monde effervescent des activités mentales et professionnelles.
Il ne faut donc pas se tromper de combat.
Ainsi, pendant le troisième âge, ce n'est pas le Yin corporel - le vieillissement physique - qu'il faut combattre, mais bien le Yin spirituel - l'avachissement mental et spirituel qui entrave la construction de la sagesse du vieillard :
La phase corporelle est jouée alors que la phase spirituelle commence.
Chaque âge est à la fois naissance et mort.
On comprend quelle distance il peut y avoir entre la vision taoïste et la vision occidentale de l'existence humaine.
De ce côté-ci du monde, on voit de plus en plus de gens mûrs qui n'acceptent pas de vieillir et gaspillent leur temps et leur fortune à chercher la rajeunissement en recourant à la chirurgie esthétique, aux modes vestimentaires des plus jeunes, au jogging, et aux "plaisirs" branchés.
Tout cela paraîtra pitoyable au taoïste qui ne peux pas comprendre que l'on gâche ainsi la chance de s'épanouir spirituellement en s'attardant dans un âge inadéquat.
Un vieux proverbe chinois exprime cela magnifiquement :
Il faut ajouter de la vie aux années
et non des années à la vie.
Ni fontaine de Jouvence, ni acharnement thérapeutique.
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Extrait du livre : Le Taoïsme, Un joli rêve de papillon. (Marc Halévy).
Il me semble que cela ferait un très sujet pour un atelier.